Paroles

Un faisan sur ma fenêtre

C’était un lundi citadin
Triste comme la rentrée des classes
Dans les voitures et dans les trains
Chacun était bien à sa place
Quelques lycéens de septembre
Le nez collé à leur portable
Regrettaient l’bazar de leur chambre
Un cheval mort dans leur cartable

En fier guetteur, il était là
Posé sur le bord de ma f’nêtre
Certainement plus effrayé qu’moi
A voir ce qu’il faisait comme tête
C’était un faisan tout couleur
Perché là au deuxième étage
Dans cette ville de gris, de moteurs
Qui maintenant lui servait de cage

Bientôt l’ouverture de la chasse
Quelques affamés de chasseurs
Avaient engraissé sa carcasse
Pour mieux le plomber à son heure
Sûrement bien plus intelligent
Qu’la plupart de ses congénères
Il avait, tout seul, comme un grand
Su jouer les filles de l’air

Gibier de potence insoumis
A la dictature des guignols
En pâté, en farce, en rôti
Finira pas à la casserole
Etonné de cette liberté
Il regardait de sa superbe
Les drôles de bipèdes s’agiter
Dans cette étrange prairie sans herbe

Dans la lumière du jour qui naît
Le brun cuivré de son plumage
Beau comme un tableau de Monet
Illuminait les bavardages
Le somptueux gallinacé
A la tête, au cou, vert émeraude
Comme de rouge et blanc maquillé
Semblait défier la mort qui rôde

Mon bel oiseau, de quel pays
Rêves-tu lorsque tu t’endors ?
Tes ancêtres de Géorgie
Ont-ils trouvé la Toison d’or ?
Je sais de ta mythologie
Quelques histoires, quelques refrains
Raconte-moi ce qui se dit
Dans les basses-cours sur les humains

Le bruit d’une moto dans la rue
Mit fin à notre tête à tête
Dans un coup d’aile, il disparut
Pour je ne sais trop quelle planète
Je jure que si faim me tenaille
Demain, plus tard ou dans dix ans
Jusqu’au jour de mes funérailles
De ne plus manger de faisan