Paroles

L’espoir (Michel Bühler)

(Michel BUHLER)

Bien que j’ sois pas du genre chochotte
A m’effrayer comme un moineau
A peine il vente à peine il flotte
Du genre à faire mon numéro
D’inquiet, d’voyante extra-lucide
Plantée d’vant sa boule de cristal
“Je vois les ténèbres, le vide
Aïe tout s’écroule tout va mal!”

J’avoue qu’par ces temps exaltants
C’début d’millénaire embrumé
Je s’rais, disons, pas franchement
D’un optimisme forcené
Bêt’ment vu les d’mains qui s’préparent
Et le pauvre monde comme il va
Oui, mais voilà qu’j’ai, c’est bizarre
Comme scellé tout au fond de moi
L’espoir

L’Homme est souvent pire qu’une ordure
Il l’a prouvé abondamment
Cette qualité-là, c’est sûr,
Défie les siècles, nargue les ans
Et c’est pas l’progrès, pas la Bourse
Tout c’qu’illumine nos aujourd’huis
Qui va v’nir freiner dans sa course
L’universelle connerie

Allez d’mander rien que pour voir
A Jenine ou en Haïti
Comment va le vent de l’Histoire
Allez faire un tour à Grozny
Ouais, c’est l’horreur et le foutoir
La Terre qui saigne un peu partout
Mais j’ai beau l’voir et le savoir
Je garde envers et contre tout
L’espoir

Et pas b’soin d’aller à perpète
Pour frissonner, monter les tours
Suffit d’regarder sous nos fenêtres
Notre pays débordant d’amour
Où les riches sur leurs tas d’or
Se marrent et gouvernent en sous-main
Où les pauvres travaill’ront plus fort
Et plus longtemps pour gagner moins

Où l’bonheur c’est chacun pour soi
Quand y est pas r’mis à bien plus tard
“Franch’ment pour en arriver là
Faut être nul, ou le vouloir…”
Où dans les salons du profit
Flotte une certaine odeur de merde
Où tout est fait pour qu’on l’oublie
Où tout est fait pour qu’on le perde
L’espoir

L’espoir d’abord c’est dire non
A ceux devant qui l’on s’incline
C’est toujours relever le front
Quand les autres courbent l’échine
L’espoir c’est prendre la parole
Sans demander la permission
Et c’est danser la Carmagnole
Sous les balcons du roi Pognon

C’est cracher au nez des crétins
Ceux qui prétendent inéluctable
Le ventre tordu par la faim
C’est cogner du poing sur la table
C’est montrer son cul aux sinistres
Qui possèdent les continents
C’est dire leur fait à leurs ministres
Qu’ils soient larbins ou présidents

L’espoir c’est le respect toujours
De tout ce qui palpite et vit
Ça vient de loin, des anciens jours
De la mine et du pain rassis
L’espoir c’est l’évidence belle
Que l’on est là, mille et cent mille
Sans peur aucune, debouts, rebelles
Et que ça n’est pas inutile

L’espoir c’est plus fort que la mort
La fleur qui perce le goudron
Le soleil qui s’lèv’ra encore
Sur les fûts rouillés des canons
C’est cette flamme qui vacille
Ce feu que je tiens dans ma main
Fragile et fort comme ma vie
C’est tout ce qui me fait humain
L’espoir