Paroles

Charleville

J’ai longtemps amarré mon beau bateau d’ado
Dans tes rues alignées, sous la gueule de Rimbaud
Les galets sur les murs du vieux Lycée Bazin
Manquaient un peu d’azur, la mer était si loin
Aux plages de tes pavés, je dessinais mon île
Mézières nous regardait nous aimer : Charleville

Dans ce pays d’Ardenne, tout près de la frontière
Tu f’sais ta parisienne qu’aurait aimé la bière
Place Ducale te donnait des faux airs de bourgeoise
Ouvrière, tu savais la couleur de l’ardoise
Odeurs de confitures et de salade au lard
Et les voyelles d’Arthur taillées pour la bagarre

Charleville, Charleville…

Les copains déjantés d’la rue Hippolyte Taine
Inventaient des étés tous les jours de la s’maine
Et au fond de cette cour d’où montait la musique
S’écrivaient pour toujours nos jeunesses électriques
De l’ivresse de nos nuits aux amours va-nu-pieds
Naissaient des poésies que déjà je chantais

Les bières du Carolo f’saient tanguer les trottoirs
De la mousse à nos Kros, à nos mains des guitares
Ça gueulait des slogans de bonheur libertaire
D’la vie plein nos printemps à ne savoir qu’en faire
Et pendant qu’ça dansait dans nos têtes à l’envers
A Chooz, la Meuse pleurait sa centrale nucléaire

Charleville, Charleville…

De cette douce cohue tout s’est comme effacé
Que sont ils devenus mes frérots d’amitié ?
Même Gonzague a quitté sa place et ses arcades
Et plus personne ne sait nos belles rigolades
Rue Bourbon a le blues des lumières des vitrines
Au Mont Olympe, les p’louses chantent encore Billie Jean

Le Vieux Moulin s’amuse de la roue qui a tourné
De ces larmes à ma muse, de ma tête en musée
Le “No Man’s land” d’Higelin, Lou Reed ou Hot Tuna
Et je r’vois les copains, je retourne là bas
Charleville, à jamais, tes rues s’attachent à moi
C’est là que j’ai aimé pour la tout’ première fois